Vous voyez très bien de quelle photo il s’agit, inutile d’en rajouter. Elle a bouleversé le monde entier nous dit-on, et certes il y a de quoi : qui ne le serait pas à la vue de ce petit enfant mort, face contre terre, sur une plage où probablement des vacanciers insouciants se prélassaient il y a encore quelques jours. Les médias nous l’ont montrée jusqu’à l’écœurement, et je pensais que passé le premier jour un peu de pudeur et de décence seraient de mise. Que nenni je viens de recevoir mon quotidien régional où elle s’étale en très grand à la une. Je trouve ça un peu ridicule parce qu’il n’y a plus aucun effet « de nouveauté » qui justifie cette une, mais surtout le choix du format y ajoute quelque chose de voyeurisme qui me donne la nausée.
Qu’on ne se méprenne pas je suis loin d’être insensible au sort des réfugiés, exilés et autres « migrants », mais enfin qu’est-ce qu’on découvre aujourd’hui ? Que des milliers de personnes fuient des pays en guerre et dans le chaos ? Que leurs conditions de voyage sont catastrophiques ? Qu’ils sont les victimes de réseaux de passeurs sans vergogne ? Qu’ils sont désespérés au point de risquer leur vie et celle de leurs enfants ?
Mais qu’y a-t-il de nouveau là-dedans ? L’Europe, le monde entier même, semble découvrir une réalité qui malheureusement existe depuis des années, voire des décennies et contre laquelle personne ne semble faire grand-chose. Aurait-on oublié le drame des « boat people » dans les années 70 ? Le centre de Sangatte était-il une joyeuse colonie de vacances ?
Ce qui me choque le plus dans cette image, ce n’est pas le problème des réfugiés, des migrants, quel que soit le nom qu’on leur donne. Ce qui me met en rogne c’est la capacité des gouvernements, quels qu’ils soient, à oublier les leçons du passé et leur incurie à prendre les problèmes à bras le corps. Il est vrai qu’il est bien plus confortable de soulever le tapis pour y cacher ce qu’on ne veut plus voir. Et de pousser des cris d’orfraie en faisant mine de tomber des nues. Histoire de faire croire que jusqu’à présent on n’a rien fait « parce qu’on ne savait pas » !