Je suis à nouveau tombée sur un article traitant de ce paradis sur terre que semble être la campagne en cette période de pandémie. Paradis car très faiblement touchée par le virus. Et pour cause : comme évoqué dans un autre article déroulant de simples évidences, la faible densité de population et une certaine vie en autarcie ne favorisent pas le déplacement des cochonneries.
Dans ce nouvel article il était question du département de la Lozère qui avec ses 15 à 2 habitants au km² par endroit fait figure de désert épouvantable en temps normal et de vrai paradis aujourd’hui. Une densité de population ridicule, des habitudes campagnardes qui rendent prévoyant et sédentaire (pas de déplacements inutiles, la moindre sortie est optimisée, des congélateurs et des potagers pour les réserves), tout cela fait que bien évidemment les gens restant déjà chez eux en temps ordinaire, le virus a du mal à se propager.
Que voilà encore des évidences énoncées qui font rêver. Et du coup voilà qu’émerge chez de nombreuses personnes le désir (réel ou rêvé) de changer de vie après le confinement. Et que croyez-vous qu’une bonne partie veuille faire ? Aller vivre à la campagne bien sûr !
Ah je les vois déjà débarquer dans le fin fond de la Lozère ou du Cantal, s’installer dans une bicoque retapée, s’émerveiller les premières semaines devant la beauté de la nature, des oiseaux qui chantent sous les fenêtres et des chevreuils qui traversent à l’orée du bois, du silence qui règne le soir… Ah je les vois déjà repartir ventre à terre après quelques mois à maudire les opérateurs téléphoniques parce que leur masure est dans une zone blanche qui les empêche de communiquer par Skype avec les amis restés dans la vraie vie avec toutes ses commodités, râler parce qu’il faut prendre la voiture pour faire les vingt kilomètres qui les séparent du premier commerce où on ne trouve bien sûr pas tout, pester contre le froid en hiver qui les retient cloîtrés, etc.
On les connaît déjà, on les voit régulièrement venir s’installer, souvent à la retraite. Ils arrivent la bouche en cœur et des paillettes pleins les yeux au printemps après avoir connu la région des étés durant, et puis ils commencent à faire la gueule lorsque l’automne est là et qu’après la dernière « Fête de la citrouille » le coin paraît bien mort sans théâtre, cinéma ou lieu culturel quelconque à proximité (pas moyen d’y aller en vélib). Alors ils repartent car ils ne sont pas fous ils ont gardé un pied-à-terre en ville qui leur permet d’aller hiberner près de la civilisation.
Alors ces témoignages ça me fait un peu sourire parce que je me dis que pas mal d’entre eux sont complètement dans l’illusion et que la chute risque d’être très dure. Mais je ne leur souhaite pas, on les chambre mais on est ravis que des gens s’installent et viennent « dynamiser » (c’est le mot à la mode) la vie rurale empêchant parfois des fermetures d’écoles (merci de nous envoyer des jeunes !).
Mais ça me fait un peu peur aussi à très court terme : est-ce que l’on va voir arriver dans nos campagnes encore préservées par l’épidémie des tas de citadins qui voient en la vie à la campagne une thérapie ? Est-ce qu’on va se retrouver tout d’un coup avec une seconde vague qui n’épargnera plus aucune territoire ? Je me rappelle que le premier décès qu’a connu le Lot est celui d’un sexagénaire venu de Paris juste après l’annonce du confinement… je dis ça, je dis rien…