... ou « On n'est jamais mieux servi que par soi-même »...
Aujourd'hui j'ai trouvé dans la petite bibliothèque de Cahus un petit ouvrage fort intéressant intitulé « Voyage autour de Cahus », une monographie locale datant du début du siècle, œuvre de Joanny Croisille. Enfin de l'autre siècle évidemment, le XXe. Le terme de voyage qui suggère une certaine envergure contraste sérieusement avec l'étroitesse du périmètre décrit. Et pourtant, il n'est parfois pas besoin d'aller bien loin pour voyager vraiment et s'offrir une évasion à peu de frais. C'est ce que propose cette monographie qui nous fait faire une petite balade du côté de Cahus, Laval de Cère, Belpeuch. Je n'en ai pas vraiment encore commencé la lecture mais j'ai feuilleté le petit ouvrage et suis tombée en arrêt sur un passage des plus intéressants que je vous reproduis ici. Cet extrait parlera bien sûr davantage à mes lecteurs locaux qu'aux lointains internautes égarés par ici, néanmoins je suis persuadée qu'il évoquera bien des choses aux ruraux en général, d'où qu'ils soient, et rappellera aux anciens le clivage qui pouvait exister jadis entre gens de communes, voire de villages différents : quand l'étranger commençait aux portes de chaque village...
« Parlons ici de l'habitude qu'ont certaines gens de la plaine de dénigrer le Ségala et remarquons tout d'abord que les personnes atteintes de cette manie ne sont pas les mieux douées sous le rapport de l'éducation. On les entend dire qu'au-dessus du Pont d'Orgues il y a bien peu de choses, le reste d'après eux vaut à peine l'honneur d'être nommé. Ces privilégiés du terrain argilo-calcaire qui habitent plus bas que nous paraissent nous regarder de haut en bas comme s'ils appartenaient à une race supérieure à la nôtre : ils toisent les Ségalins qui passent. Demandez-leur pourquoi ils prennent en mauvaise part le mot Ségalin, c'est comme si vous faisiez la même question à ceux qui prennent en mauvaise part le mot Jésuite, les uns et les autres seraient également embarrassés pour vous faire une réponse satisfaisante.
Dénigrer un pays parce qu'il est moins fertile ou parce qu'il est plus élevé au dessus du niveau de la mer dénote un esprit de sot orgueil ou de puérile vanité.
En face de ceux qui se donnent sur nous une supériorité illusoire il nous sera permis de faire notre propre éloge.
Dans le Ségala on vit aussi bien que partout ailleurs. Nous qui en sommes les habitants, nous nous acquittons des charges publiques avec autant d'exactitude que les autres citoyens. Nos jeunes gens, quand ils se présentent à Bretenoux pour la conscription font assez bonne mine à côté de leurs camarades de la plaine ; l'expérience a même démontré que les malingres ne sont pas le plus souvent parmi ceux qu'on appelle les mangeurs de châtaignes, ce qui prouve qu'à manger du pain de seigle on ne s'en porte pas plus mal. Quant aux jeunes Ségalines, elles inspirent parfois aux beaux gars de la plaine des sentiments tout autres que ceux du mépris et du dégoût.
Ségalins, mes amis, soyons fiers de notre terre natale qui en vaut bien une autre et restons fidèles à Cahus notre petite patrie. Cultivons avec amour les champs que nos pères ont cultivés ; conservons pieusement comme autant de reliques les traditions vénérables qu'ils nous ont léguées. En accomplissant dignement nos devoirs d'hommes et de chrétiens nous ferons honneur à notre Ségala et nous vivrons heureux dans la situation où la Providence nous a placés, heureux de cette vie calme et libre que la grande ville trompeuse ne procure pas. »
Ça c'est envoyé.