
Combien de temps vit un grillon ? Si vous me posez la question en ce moment j’aurais tendance à vous répondre : « Bien trop longtemps à mon goût ! » Mais d’où vient une telle animosité envers ce charmant insecte, moi qui aime pourtant beaucoup la nature ?
Depuis quelques jours un grillon se met à chanter tous les soirs vers la même heure sous ma fenêtre. Je dis « un » grillon car je pense qu’il doit s’agir du même : même heure, même pot de fleur, quasiment même branche de verveine, même chant toute la nuit. Oui, TOUTE la nuit ! D’où mon interrogation sur la durée de vie de la bestiole. Entendons-nous bien, j’adore les animaux et je ne leur veux pas le moindre mal, je me contenterai donc fort bien de la mort entièrement naturelle de ce grillon, mais si ça pouvait être le plus tôt possible, ça ne serait que mieux.
Mais qu’est-ce qui arrive donc à cette pauvre Ségaline, la voilà qui râle après une malheureuse bestiole parfaitement inoffensive qui chante à la campagne ? Il est vrai qu’il y a peu je m’indignais d’une décision de justice qui obligeait des propriétaires à faire combler leur étang car le chant des crapauds deux mois dans l’année dérangeait leurs voisins citadins en villégiature ou néo-ruraux je ne sais plus. Même indignation pour tous les coqs condamnés à la cocotte (-minute) pour cause de chant trop matinal. Le problème c’est qu’à Teyssieu, avec la fin de l’été et le départ des boulistes le soir il n’y a plus un seul bruit, et du coup ce fichu grillon, je n’entends plus que lui !
Quelques soirs après le début de sa carrière lyrique, la curiosité m’a poussée à aller voir à quoi ressemblait mon ténor. Des grillons je ne connaissais que les gros bruns qui font leurs petits trous dans le sol. Je me suis aperçue qu’il ne s’agissait pas du tout de cela : il est petit, tout fin et très clair, presque transparent, son chant provenant du frottement de ses deux petites ailes diaphanes, on a du mal à croire qu’une aussi petite bête puisse faire autant de bruit !
Une brève recherche m’a amené sur un site dédié au grillon (si si, ça existe) et m’a permis de découvrir que j’étais harcelée, n’ayons pas peur des mots, par un grillon d’Italie (encore un immigré) : pas étonnant qu’il aime pousser la chansonnette.
Ici et là j’ai glané d’autres infos sur mon ami oecanthus pellucens et j’ai notamment appris que jadis les dames de la cour en enfermaient dans de petites cages dorées disposées dans les chambres afin que leur chant favorise le sommeil.
Bon eh bien il faut croire que je n’ai rien d’une dame de cour, mais ça c’est pas un scoop.