Il est bien connu qu’il ne faut jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau », aussi je me garderai bien de dire que j’ai toujours détesté les meubles en formica, et que jamais ô grand jamais je n’en ai voulu dans ma cuisine (et encore moins ailleurs évidemment). Et pourtant. Et pourtant…
Il y a bien désormais un buffet en formica qui trône dans la cuisine, dominant par sa taille et son coloris les autres meubles disparates de la pièce. En effet la déco est dans un style disons très… personnel : meubles de cuisine fin de série et d’exposition, ou bien récupérés par-ci par-là, du jaune, du rouge, du blanc… et maintenant donc du bleu. On pourrait croire que ça pique un peu les yeux dit comme ça mais finalement le côté hétéroclite donne un style à l’ensemble (oui enfin c’est ce que je me dis pour me rassurer). Ah c’est clair que ça ne ressemble pas aux cuisines des magazines ! Cependant on y mange aussi bien (surtout si c’est pas moi aux fourneaux !) c’est bien là le principal.
Mais comment diable, me direz-vous (oui je sais la question vous brûle les lèvres), un tel ovni a-t-il donc fait pour atterrir dans ma cuisine ? Lassée de mon ancien buffet en bois style années 50 trop petit et peu pratique, je me suis mise en quête d’un remplaçant sur un site bien connu de petites annonces où j’espérais pouvoir trouver mon bonheur tout près de chez moi. Bingo, ce meuble m’a tapé dans l’œil alors qu’il avait pourtant tout pour me déplaire : pas du tout dans les tons plutôt chauds du reste de la cuisine, presque trop grand pour rentrer dans l’emplacement prévu, et surtout… en formica. Mince quoi ! Et pourtant… Le bougre avait tout de même un atout de taille : son prix. Pour 50 € on ne risquait pas grand-chose et il ne nous aurait coûté qu’un peu d’huile de coude supplémentaire si on avait finalement regretté l’achat après l’installation.
Mais il n’en a rien été, et plus je le vois, plus je l’utilise, et plus il me plaît au bout du compte. J’aime sa grande taille qui permet d’y fourrer un tas de truc (je vais pouvoir chiner de nouveau de la vaisselle lors des prochains vide-greniers), j’adore sa huche à pain intégrée hyper pratique et qui fait gagner de la place dans la cuisine, j’aime la taille de certains des tiroirs qui permettent d’y ranger des cocottes, j’aime ses portes qui ne grincent pas contrairement au buffet précédent, bref je l’aime bien finalement ce meuble en formica.
Et plus que tout ce que j’aime c’est son histoire. Le vendeur, à une dizaine de kilomètres à peine de chez moi, était un ancien menuisier à la retraite, qui pour la petite histoire est le père d’une prof de mes enfants et qui elle-même par ailleurs a été une de mes colocataires durant mes années étudiantes (c’est fou le monde est incroyablement petit, surtout lorsqu’on ne dépasse pas les limites du canton). Mais surtout ce meuble a été le premier qu’il a fabriqué dans sa vie professionnelle : il l’a conçu et réalisé pour meubler leur premier logement alors qu’il était jeune marié. Je m’imaginais que les meubles en formica n’étaient que des meubles produits en usine et en série, alors voir cet exemplaire unique et avec ce côté affectif en plus, j’ai trouvé ça vraiment émouvant. Lui aussi était ému d’ailleurs, sa femme également, et ils avaient l’air content de voir que ce meuble, qui les avaient accompagnés durant une bonne partie de leur vie, allait trouver une seconde vie dans une nouvelle maison, plutôt que de finir pourrir dans le fond de l’atelier ou pire à la déchetterie.
Alors oui finalement je l’aime beaucoup mon meuble formi-, formi-, formidable !
PS : Toute une page sur un affreux meuble en formica : franchement est-ce que ça valait la peine de reprendre la plume… ? Je pose la question...