Dans la série « mais qu'est-ce que je fais là » je me suis retrouvée il y a quelques temps dans un magasin pour hommes. Non non, pas un magasin de fringues ou autres accessoires destinés à la gent masculine, non. Je veux parler d'un de ces magasins dans lesquels les femmes ne mettent que très rarement les pieds, où même les employés du secrétariat sont des hommes et où l'on vend des articles dont la plupart des femmes ignorent jusqu'à l'existence: je me suis retrouvée dans un magasin de pièces détachées et d'équipement automobile. Si mesdames ça existe. Et pour les hommes je suppose que ça doit ressembler à une certaine idée qu'ils se font du paradis.
Un début d'après-midi après mon travail, mon mari m'envoie échanger des plaquettes de freins achetées quelques jours plus tôt, car bien sûr quand je ne travaille pas je n'ai forcément rien d'autre à faire que m'occuper de ses affaires...Grrrrr, mais passons. Me voilà donc entrée dans ce temple, cette Mecque dédiée toute entière à la mécanique automobile et accessoirement aussi au gros bricolage. Évidemment je suis la seule femme au milieu des clients comme parmi le personnel, et d'ailleurs je remarque comme un étrange paradoxe. En effet les hommes derrière le comptoir, qui sont donc à leur travail, sont très détendus, habillés aux couleurs du magasin mais dans une sorte d'uniforme très chic et « sportswear »: petites chemisettes pastel, gilets marines classes, pas l'ombre d'une tâche de cambouis ou d'huile de vidange, normal me direz-vous, on n'est pas dans un garage; par contre les clients eux, qui donc n'y sont pas, à leur travail, sont presque tous en bleu de travail, avec quelques tâches par-ci par-là, visiblement pressés pour certains. Stoppés net dans leurs travaux par une pièce manquante, un équipement défectueux vite ils ont tout laissé tomber: une voiture sur cales sur la table d'opération dans le garage, un chef d'atelier vociférant « P... de b... de m...!!! C'est pas la bonne pièce!!! », ou une épouse hystérique « Ahhhh!!! Chéri! T'as vu dans quel état tu as mis la cuisine!!!! Y'a du cambouis partout!!! » pour aller chercher dans cette caverne d'Ali-Baba l'objet miraculeux qui va leur sauver la vie, enfin celle de leur voiture mais vous connaissez les hommes, pour eux il s'agit bien de vie ou de mort. Et de fierté aussi.
Et tout est là à portée de main ou presque, rangé bien proprement (et oui rien à voir avec une casse-auto) sur de multiples étagères à perte de vue: des courroies, des roulements, des plaquettes de freins, des disques (non pas des CD), des injecteurs, des essuie-glaces, des alternateurs, des batteries, etc. Autant de choses qui me sont étrangères mais qui résonnent singulièrement à mon oreille à force d'en entendre parler.
Je passe près de ¾ d'heure à attendre qu'on s'occupe de moi car il faut vous dire qu'on est vendredi après-midi et que ces messieurs de chez F. ont l'air très détendus: et que je blague avec le client, et que j'interpelle et plaisante avec les collègues, et vas-y que je chambre le « vieux » de la bande qui va prendre sa retraite dans quelques jours, etc. Et surtout le plus long: vas-y que je passe une heure à enregistrer les pièces qui sortent sur l'ordinateur avec un million de références à rentrer...merci la technologie et la paperasse.
La prochaine fois que j'aurais une après-midi à tuer, plutôt que de regarder la télé je sais où aller...