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26 juillet 2021 1 26 /07 /juillet /2021 14:29
(Re-)prendre la plume

J’aime l’écriture, et particulièrement le plaisir de la correspondance manuscrite. J’en aime toutes les étapes, du plaisir de la plume ou de la couleur que l’on a choisie en fonction de son humeur ou/et de son destinataire, du contact avec le papier également, jusqu’au choix du timbre que l’on va coller sur l’enveloppe. J’aime le son feutré de la plume qui glisse sur le papier, tout comme le léger froissement de celui-ci lorsque le stylo-bille remplace la plume et imprime plus fortement son empreinte. J’aime les volutes et les arabesques dessinées sur la page qui me rappellent les belles écritures anciennes découvertes au gré des brocantes : elles me ramènent aussi à mon enfance durant laquelle pour tromper l’ennui j’allais fouiner régulièrement dans le vieux grenier à la découverte de vieilleries et de curiosités et que je tombais sur quelque vieille lettre à la calligraphie surannée. J’aime aussi éprouver ce plaisir à imaginer son correspondant découvrir ce pli manuscrit et personnel au milieu des factures et autres courriers administratifs, un beau jour dans sa boîte aux lettres, peut-être presque aussi fort que d’en recevoir soi-même.

J’ai redécouvert ces plaisirs infinis il y a quelque temps, en plein confinement, en écrivant une longue lettre à mes artistes préférés, comme quand j’avais quatorze ans et que j’écrivais à mes idoles dans l’espoir de recevoir une photo dédicacée. Je ne savais pas trop ce qui serait le plus fort : la peur du ridicule ou le désir très contrarié de ne pouvoir exprimer tout ce que je ressentais. Mais je crois que quand on aime il faut le dire.

 

La réponse si gentille et inespérée que j’ai reçue m’a confortée dans l’idée que le courrier possède vraiment un pouvoir particulier, même à notre époque où les mails sont là. Peut-être justement parce que tout va très (trop ?) vite, le plaisir de prendre du temps, que ce soit pour celui qui écrit comme pour celui qui lit, est devenu quelque chose de vraiment précieux. Sur cette lancée j’ai décidé d’écrire une lettre à une amie très chère que je vois trop peu mais avec qui nous échangeons régulièrement de nos nouvelles par mails. Je l’ai fait car je savais qu’elle saurait apprécier ce geste, et qu’elle était dans une période un peu difficile de sa vie où une chose aussi anodine et inattendue qu’une lettre manuscrite saurait amener un peu d’inattendu dans son quotidien. Elle en a été effectivement très touchée même si sa réponse est venue par mail, avec le regret de ne pas avoir le temps et le « courage » de me répondre elle aussi par courrier postal. Je n’attendais pas un retour à l’identique, et je crois que égoïstement je m’étais fait déjà plaisir à moi-même en lui écrivant !

Cette double façon d’échanger avec mon amie, soit par mail soit par lettre manuscrite m’a également confortée dans une impression que j’avais déjà : le teneur de ces écrits est bien différente selon que l’on écrit au stylo ou au clavier. En tous cas pour moi cela semble se confirmer, mes écrits seront différents, pour un même destinataire, en fonction de la manière choisie. Alors que par mail je suis capable de raconter n’importe quoi et de plaisanter comme je le ferais dans une conversation amicale, mes lettres manuscrites me semblent plus personnelles, plus intimistes, comme si c’était bien moins banal qu’un simple mail et que cela méritait davantage d’attentions : je choisis peut-être davantage mes mots, je travaille et remets sur l’ouvrage mon texte bien autrement que je ne le fais au clavier, même si je m’applique aussi. Et puis il y a une sorte de double distance créée par la lettre : une distance géographie (quelque peu abolie par les mails et Internet) et une distance temporelle car la lecture différée impose de traiter les sujets différemment parfois, et la lettre n’appelle pas de réponse immédiate comme on pourrait l’attendre d’un mail ou d’un SMS. Il y a un décalage qui fait que le temps de la lettre, que ce soit celui de son écriture ou de sa lecture, est un temps tout à fait à part il me semble. C’est un moment un peu hors du temps pour chacun : écrire une lettre implique de se poser, se mettre dans une posture et une disposition agréables, confortables, surtout si comme moi on est du genre volubile ; de la même façon lire une missive qu’on vient de recevoir permet de faire une pause dans son quotidien, on prend du temps pour soi et pour celui qui nous a écrit.

 

Un moment hors du temps, hors de tout, c’est tellement précieux.

 

 

 

 

 

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commentaires

É
Bonjour la Ségaline ! Je ne pense pas que la "blogosphère" soit 'l'endroit' idéal pour communiquer. Les réseaux sociaux auraient dû être un formidable moyen de communication, mais les gens ne l'ont pas compris. Mon blog existe depuis cinq ans. Pendant cinq ans j'ai cru qu'il était possible d'échanger avec des gens qui aiment écrire, utiliser le riche vocabulaire de notre belle langue française ; or, il n'en est rien. Soit parce que mes opinions politiques ne leur conviennent pas (je suis de gauche, personne n'est parfait), soit parce qu'il y a plus de fainéants de l'écriture que l'on pense. Les gens ont perdu le goût de l'écriture comme celui de la lecture. Il y a même ici des gens qui se prétendent écrivains et qui n'alignent jamais pluss de trois mots en commentaire (?). Ou les blogueurs se prennent beaucoup trop au sérieux et n'ont pas le moindre humour, ou les gens écrivent sur leurs maladies ou la gastro de leur chat, quand ils ne parlent pas de la pluie ou du beau temps. Les rares blogs intéressants ne mettent aucune image (ce qui est rébarbatif) et, bien souvent, ne parlent que de politique (ce qui est chiant). L'absence de fantaisie et/ou de vrais échanges constructifs m'ont poussée à fermer mes commentaires, mais ça ne me manque pas. De vrais potes commentent mon blog par mail et je ne suis plus obligée de visiter les blogs ennuyeux ou trop sérieux. Je ne visite plus que les blogs des gens "qui ne se prennent pas la tête" et savent encore rire de tout, échangeant sur l'humour, l'histoire, le patrimoine, la culture et tous ces sujets que l'on peut évoquer au quotidien, et non pas tous les cinq ou six jours comme le font de plus en plus de blogueurs en mal d'inspiration. De plus en plus de blogueurs ont fermé leurs commentaires et échangent par mails avec les personnes avec qui ils/elles ont des atomes crochus. Là, c'est constructif. Le vocabulaire est bien présent, et chacun prend le temps d'écrire 'comme une lettre à l'ancienne', avec les mots qui font du bien aux yeux.<br /> Vive donc l'écriture, les mots, la conjugaison et la recherche d'originalité dans la tournure des phrases, chose trop rarement présente dans les commentaires que j'avais pu voir en me baladant dans les blogs.<br /> Longue vie à ton blog. N'arrête jamais d'écrire, même si tu n'as plus de commentaires, de visiteurs, même s'ils deviennent gais comme un soir de pluie en pleine pandémie, fais ton blog pour toi et éclate-toi bien. Je n'ai plus d'abonnés, plus de commentaires (sauf par mail) et j'ai 40 visiteurs par jour, ce qui reste un mystère, mais je fais mon blog POUR MOI. Et je m'éclate enfin.
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L
En effet les réseaux sociaux et la blogosphère peuvent être des lieux mal fréquentés, mais pour le moment je n'ai pas à me plaindre des commentaires qui me sont laissés, j'en ai eu des déplaisants mais même si cela m'a affecté un moment je suis vite passée à autre chose. Il faut dire que mes articles ne sont pas vraiment de nature à déclencher des réactions très violentes. Je suis d'accord avec toi sur le fait que les gens ont perdu le coût de l'écriture (car ils ont d'abord perdu celui de la lecture), et pour ce qui est des sujets évoqués ici et là sur les blogs cela va en effet du vide intégral aux sujets plus sérieux et il faut bien qu'il y en ait pour tous les goûts. Tu vois j'ai une tendance à l'indulgence en ce qui concerne les autres, et j'essaie d'être plus exigeante avec moi-même, question de bonne conscience! Pour le reste, je continue ce blog tant que cela me plaît, je ne me mets aucune pression et ne m'encombre pas de connaître le nombre de visiteurs, j'ai quelques rares fidèles avec qui j'échange en toute cordialité et ça me va! Lorsqu'il y aura la moindre contrainte j'arrêterai sans doute sans aucun regret, la vie est trop courte pour se prendre la tête inutilement!
F
Bien dit ...euh ... bien écrit. J'ai deux stylos à plume. Rangés depuis longtemps sur une de mes étagères. Ils prennent aujourd'hui la poussière. J'ai tout connu, y compris la plume sergent-major. Mais je me suis chaque fois mis à la technique suivante. Paresseusement. Hélas.
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L
Se mettre à la technique suivante à chaque fois ne me semble pas être de la paresse mais plutôt de la curiosité et de l'attrait pour l'innovation: rien de répréhensible là-dedans! Quant à revenir à la plume ce n'est pas non plus forcément un retour en arrière mais la simple acceptation de ce qui nous convient. Bref chacun fait comme il lui plaît e c’est tant mieux!
A
Je ne suis pas sûre qu'à l'époque où le courrier était fait à la plume les boîtes aux lettres débordaient de factures, les espèces étaient encore sonnantes et trébuchantes et on allait à la Poste pour plein d'opérations dont on a maintenant oublié jusqu'à l'existence !<br /> Joli stylo, l'encre doit être sèche dans ma collection !
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L
Bravo Ségaline une vieille habitude puisque je sais que ton prénom est Marie, voilà un "courrier" touchant car, oui, recevoir une lettre et non pas un mail, c'est bien différent. Et dire qu'aujourd'hui, les seuls courriers que 'on reçoit n'est plus que publicitaire ou le journal format papier auquel on est abonné... Je ne compte pas la "pub" qui, systématiquement, remplit la boîte à lettres (l'un de ces petits boulots qui existent encore pour ceux qui n'ont pas (ou plus) de véritable métier.. Il m'arrive de recevoir une carte postale, mais bien moins fréquente qu'autrefois. Et, à chaque fois, quel plaisir que de la découvrir car on se dit tout de suite qu'on ne nous a pas oublié... A force de ne plus user de la plume mais de tapoter sur le clavier, on en oublie l'émotion que l'on ressentait à ouvrir une enveloppe et à découvrir ces lignes écrites à notre seule intention. C'est vrai qu'à ne plus entendre le crissement de la plume sur le papier, on ne fait plus de vraies confidences, on ne développe plus aussi longuement ce que l'on ressent et on tait vraisemblablement des émotions qu'on aimerait partager. Comme si la "visibilité" potentielle par n'importe qui coupait nos élans émotionnels. Il est des lettres manuscrites sont nées sous ma plume que je n'ai jamais expédiées car, à les relire, j'estimais que c'était un vain bavardage, même si elles étaient écrites avec le cœur. Complexité de la pensée sans doute, à moins qu'il ne s'agisse de doutes envahissants (comment en effet être certain de l'impact que la lettre aurait sur ceux qui la recevraient, qu'elle ne serait pas mal interprétée ?). J'ai encore le brouillon d'une lettre qui n'a pas dépassé mon bureau, faute d'avoir la conviction qu'elle ne ferait pas pleurer inutilement les destinataires déjà bien éprouvés par la disparition de Marie (ma nièce avec laquelle j'entretenais des liens étroits). Les mots ne savent pas parfois consoler, semblent absurdes et même inutiles, vains, creux.
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L
Mon prénom n'est pas Marie, mais tant pis je me contenterai du mien! Oui c'est bien dommage de recevoir de moins en moins de courrier personnel et manuscrit, et les tarifs du timbre ne vont certainement pas renverser la tendance!
S
L'écriture à la plume fut pour moi un tel cauchemar, que je n'ai même pas le courage de lire ton article! Doté de deux mains gauche et toujours de ces mauvais outils qui caractérisent les mauvais ouvriers, me répétaient sans répit mes institutrices, je n'étais capable que de ratures, pâtés et pattes de mouches! La découverte et surtout l'adoption du clavier furent pour moi une véritable révélation, et l'accès à l'expression écrite!
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L
En effet je me rappelle que tu avais évoqué cette souffrance dans un commentaire sur un autre billet (peut-être bien celui cité dans le dernier). Je conçois que c'est un sentiment très personnel et que le rapport à l'écriture est différent pour chacun, mais l'important est de s'exprimer si l'on en ressent l'envie ou le besoin, et pour cela le clavier fait également très bien l'affaire!

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  • Ecrivain public, profondément rurale je revendique mon amour des bonheurs simples ainsi que mon droit à pousser des coups de gueule et des coups de coeur.
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