Je ne suis pas fâchée avec Dieu : je ne l’ai jamais rencontré. En revanche je suis plutôt remontée en général contre tous ceux qui se targuent de parler à sa place, quelle que soit leur obédience.
Voilà pourquoi je ne vais dans les églises qu’en qualité de touriste, jamais comme fidèle… Pas de mariages ou d’enterrements auxquels je n’assiste que depuis l’extérieur. Cela n’empêche en rien de partager les joies et les peines de ceux qui sont aux premiers rangs à l’intérieur.
Je n’aime pas les discours tout prêts que servent ceux qui officient lors de ces cérémonies, tous ces beaux discours sur les intéressés que bien souvent ils ne connaissent ni d’Ève ni d’Adam, toutes ces injonctions à être de parfaits bons chrétiens même pour les non-croyants, ces façons de persuader chacun que seule leur vision est la voie à adopter, etc.
Alors je reste à l’extérieur. Souvent je suis une des rares femmes. Héritage d’un temps où les femmes de la campagne allaient assister à l’office pendant que leurs maris-chauffeurs les attendaient au bistrot du village. Hélas bien souvent dans nos campagnes pas le moindre bistrot dans lequel attendre que le curé ait fini de nous assommer de ses belles paroles. Alors les femmes entrent dans l’église, les hommes restent en dehors pour leur laisser la place. Quelle générosité. Dans ma grande bonté je cède aussi volontiers ma chaise à une âme certainement meilleure que la mienne qui saura tirer profit de ce qu’elle entendra dans ce lieu sacré.
La scène au-dehors est bien plus intéressante. Lors des mariages évidemment tout est gai et léger, à l’intérieur comme au-dehors. Mais lors des enterrements les choses sont bien différentes. La tristesse pesante du dedans contraste souvent avec une ambiance plus décontractée au dehors. Quel qu’ait été le degré de proximité des personnes avec le défunt, passé le premier temps de silence recueilli lors de l’entrée du corps et de la famille dans l’église, les conversations se font plus ordinaires, plus légères, plus bruyantes et souvent bien plus gaies, redeviennent banales. C’est alors l’occasion pour chacun de bavarder avec un voisin ou bien avec des personnes que l’on n’a pas vues depuis des mois ou des années…
Au fil des discussions on en vient à oublier complètement le défunt et la raison de notre présence en ce lieu. Ça n’empêche pas la peine, on sait que cela n’allègera pas celles des proches, et que ça ne fera revenir personne. Tout ça inscrit finalement la mort dans une continuité, dans la continuité de la vie, tout simplement…