Il y a quelques jours avait lieu à Teyssieu une conférence sur notre patrimoine local : il s'agissait d'une présentation des peintures qui ornent une des salles de la tour du village, ainsi que de leur restauration. La petite salle des fête était comble, et le succès semblait avoir surpris les organisateurs eux-mêmes. Dans l'assistance des passionnés d'architecture et d'histoire, de simples curieux et des gens du village, curieux comme moi d'en apprendre un peu plus sur cette tour tellement familière et pourtant si pleine de mystères encore. Ainsi ces peintures qui ont été découvertes assez récemment et presque par hasard sont à présent l'objet d'attentions particulières du fait de leur présence dans cette tour qui n'était pas un lieu d'habitation, et aussi par leur esthétisme lui-même qui diffère des « canons » de l'époque, ces peintures sont les seules de ce type dans le département. De plus elles ne seraient pas, selon les hypothèses émises par les chercheurs, un reflet fidèle du vicomte de Turenne, suzerain des Bonafos (les seigneurs de Teyssieu) mais plutôt une représentation symbolique destinée à affirmer le pouvoir et la puissance de celui-ci sur les vassaux : en effet, et toujours selon les chercheurs, la salle qui abrite ces peintures était probablement une salle où on rendait justice, c'est à dire que s'y déroulaient, pense-t-on, des cérémonies officielles durant lesquelles les seigneurs rendaient hommage à leur suzerain. La tour elle-même aurait eu elle aussi une vocation symbolique dans les premiers temps : érigée par les frères Bonafos sur ordre du vicomte de Turenne, elle était un autre symbole de sa suprématie et de sa domination sur le pays ; les parties construites ultérieurement et qui l'élevèrent à 40m du sol en firent également une tour de guet.
Après un bref rappel historique sur la construction de la tour, autour de 1230, et du contexte de l'époque, la conservatrice-restauratrice des peintures nous a expliqué que ces peintures avant d'être restaurées devaient avant tout être protégées : elles avaient subi les outrages du temps depuis des siècles car bien qu’elles soient situées à l'intérieur, jusqu'à ce qu'un toit de ciment ne recouvre l'édifice en 1920, elles ont été très abîmées par l'eau de ruissellement qui a par ailleurs dégradé l'ensemble de la tour. Afin que les peintures ne subissent pas d'autres avanies durant les gros travaux qui ont débuté cette année et qui doivent mettre la tour hors d'eau et hors d'air, un important travail a été fait pour les protéger, la restauration proprement dite ne pourra débuter que lorsque plus rien ne viendra troubler le travail. Sur un écran nous avons pu découvrir les peintures telles qu'elles étaient à leur découverte, de simples bribes, recouvertes d'un enduit qu'il a fallu analyser et dégager par endroits. On avait franchement un peu de mal à voir le cheval et le cavalier dont la restauratrice nous assurait qu'ils étaient bien là : « Là vous voyez le museau, ici vous avez les pattes de devant, on voit très bien un plissé de la housse du cheval » mais on l'a crue sur parole. J'étais d'autant plus déçue qu'elle nous a répété plusieurs fois que dans cette toute petite salle du premier niveau où se trouvaient ces peintures il faisait très sombre : mince alors, on n'allait rien voir ? Quel dommage...
J'étais déjà rentrée dans cette petite salle et c'est vrai qu'il y faisait aussi noir que dans un four, à peine éclairé par la porte sud creusée quelques siècles après la construction de la tour ; il était donc difficile d'y voir ces peintures d'autant plus qu'elles se situent à plus de deux mètres de hauteur si mes souvenirs sont bons. Aussi quelle étrange impression de découvrir cette fresque, enfin ce qu'il en reste, et de se dire que pendant tout ce temps on a ignoré sa présence, on est passé à côté, et que sans le hasard on aurait continué à l'ignorer, peut-être pour toujours. Combien de ces œuvres oubliées, de ces vestiges de temps anciens dorment encore près de nous sans que nous le sachions, et combien resteront à jamais cachées ?...
Bon évidemment ça ne vous parle peut-être pas beaucoup, mais moi ça m'impressionne toujours de voir des oeuvres, qu'il s'agisse de peintures, de sculptures ou d'architecture, traverser les siècles et se révéler peu à peu, garder encore une part de mystère et nous obliger à une certaine humilité.
Pour finir voici quelques clichés de la deuxième étape des travaux, la couverture : les premières lauzes ont été posées et redonneront bientôt à notre tour l'aspect qu'elle devait avoir au XIIIe siècle. Je suis assez partagée car si je suis ravie de voir une belle couverture sur ce monument j'ai peur d'être dépaysée car cela fait tellement longtemps (près d'un siècle) qu'on la voit avec son dôme de béton, c'est ainsi qu'elle est représentée sur tous les documents où elle apparaît, et de mémoire d'homme on ne l'a jamais vue autrement, alors je suppose qu'il va falloir un peu de temps pour que l'on s'habitue à sa nouvelle physionomie.