5 février 2016
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Comme le soulignait un tweet aperçu au fil de mes lectures matinales de la presse web, l’année 2016 continue sur sa lancée funèbre puisque après Bowie ou Godard, dernier monument en date qui soit tombé, c’est l’orthographe qui passe l’arme à gauche. En effet la rectification de l’orthographe de 1990 prend aujourd’hui des allures de réforme tout à fait officielle et bénéficie ainsi d’un enterrement de première classe avec l’adoption de ces modifications dans les manuels scolaires de la rentrée prochaine.
Par goût personnel et par professionnalisme, j’aime la langue française et donc les charmes de son orthographe, sa « complexité » diront les mauvais esprits. Je ne suis pas, je crois, réactionnaire ni psychorigide, mais tout de même le principe fait réfléchir : on simplifie les règles parce que l’on estime qu’elles sont trop difficiles à apprendre pour nos chères têtes blondes. Un auditeur de l’émission de radio que j’écoutais hier faisait une comparaison très parlante : pourquoi ne pas éliminer carrément quelques dates de l’histoire de France si elles sont elles aussi trop difficiles à retenir ? Ben voyons, comme dirait l’autre « c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres » !
Après tout simplifions, simplifions, il en restera bien toujours quelque chose ! J’ai peur qu’il reste bien peu en vérité, et les « ognons » nouveaux qu’on s’apprête à nous servir me semblent bien moins savoureux que les oignons d’il n’y a pas si longtemps. Et que dire des nouveaux « évènements », moi qui ai mis si longtemps à les écrire correctement avec leur second -é- ?…
Les nénuphars seront-ils moins beaux avec leur nouveau -f- ou les îles moins exotiques sans leur petit chapeau ? Non sans doute, mais avouons quand même que les choses en sembleront bien plus banales. Toutes ces bizarreries de notre orthographe sont les témoins d’anciennes graphies et donc de l’histoire de la langue, à travers laquelle au passage bien souvent peut se lire la nôtre. Alors on ne m’empêchera pas de penser que ce n’est tout de même pas rien. Et à ceux qui rétorqueront que la langue est quelque chose de vivant qui doit évoluer avec les usages je dirais qu’il n’y a rien de commun entre le fait de faire entrer un mot populaire dans le dictionnaire et cette réforme qui me fait l’effet de simplement entériner des fautes d’orthographe. C’est pas glorieux. Mais je crois que c’est symptomatique d’une tendance générale de la société : pas plus tard qu’hier j’entendais une conversation édifiante entre collègues, pourtant jeunes, en salle des profs qui constataient, consternés, comment on en arrivait à tolérer aujourd’hui des choses impensables il y a seulement 10 ou 15 ans, simplement parce que petits bouts par petits bouts on laissait la médiocrité gagner du terrain, insidieusement.
Il n’y a pas si longtemps on plaisantait en disant que les jeunes finiraient par écrire tout le temps en SMS ou en phonétique. Aujourd’hui je ne sais pas pourquoi je n’ai plu autant envie de rire. Et si j’en viens à pleurer ce sera sûrement la faute de ces fichus « ognons »
Et ils n’ont même pas pensé à supprimer le -gn- : c’est sans doute pour la prochaine réformes des « onions ».