En ce jour de grève et depuis quelque temps déjà on parle des cheminots et notamment de leur statut en voie de disparition avec la réforme envisagée par le gouvernement. Au gré de mes lectures de témoignages de ces hommes du rail il revient la même locomotive le même leitmotiv: ils s’offusquent de ce que l’opinion les considère comme des «privilégiés», 72% des français interrogés étant favorables à la fin de leur statut particulier. Prenons l’exemple d’un contrôleur qui s’exprime : il ne se considère pas comme privilégié car il a «sacrifié ses weekend, ses nuits et ses fêtes de familles» du fait de ses horaires particuliers, et qu’il ne touchera que 1800€ nets à son départ à la retraite… à 57 ans. Que ses conditions de travail et de vie n’aient pas été faciles ça personne ne dira le contraire, en revanche qu’il soit parmi les plus malheureux c’est autre chose: les infirmières elles aussi ont des horaires décalés, des responsabilités et des conditions de travail de plus en plus difficiles, elles n’ont pourtant pas les mêmes avantages en terme de retraite notamment, et je ne parle pas des avantages en nature dont bénéficient les cheminots à savoir des trajets gratuits.
Autre témoignage celui d’un agent de maintenance des voies: il est à la merci des intempéries, de jour comme de nuit, avec des horaires là aussi à géométrie variables. On pourrait comparer sa situation à celle d’un maçon ou d’un ouvrier du BTP en général, mais là encore la comparaison risque de ne pas être un argument en faveur des cheminots: ces derniers partiront à la retraite à 57 ans avec là encore une retraite qui n’est sans doute pas celle d’un ouvrier du privé.
Encore une fois je ne dis pas que leurs métiers sont faciles, loin de là, et leurs conditions de travail comme dans tout le service public, se dégradent du fait du manque d’effectif et de la pression croissante des usagers de moins en moins respectueux des travailleurs en général.
Mais qu’ils se considèrent comme les plus malheureux, ça je ne peux pas l’entendre. Surtout quand je lis que 92% des salariés de la SNCF bénéficient de ce statut si envié même lorsqu’il s’agit aussi d’emplois de bureau! Le problème des fonctionnaires en général, et j’en ai côtoyés beaucoup lors de mes remplacements à l'Education Nationale par exemple, et aujourd’hui encore en travaillant avec des fonctionnaires territoriaux, c’est que la plupart d’entre eux n’a jamais travaillé dans le privé, ils restent fermés dans leur petit monde et ne mesurent leurs conditions qu’à l'aune de ce qu’ils connaissent. Absence de jours de carence, congés maladies très complaisants à rallonge et sans contrôles, la liste est longue de ce qui serait impossible dans le privé sans entrevoir la porte de sortie.
Alors si ce ne sont pas des privilégiés au moins devraient-ils clairement se battre non pas pour le maintien de leur statut mais pour l’extension de ces avantages à l’ensemble des salariés qui travaillent dans les mêmes conditions qu’eux.
Mais le corporatisme a la vie dure. «Travailleurs unissez-vous» oui mais à condition de travailler dans le même secteur. Chacun sa merde quoi…
Ce que j’aimerais c’est qu’on entende davantage leurs revendications comme celles de la défense d’un service public de qualité, avec les usagers.