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2 octobre 2020 5 02 /10 /octobre /2020 05:34

J’ai toujours été plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral. Depuis mon adolescence je tiens un journal qu’on dit « intime » mais où en fait je livre très rarement des choses trop intimes pour que je ne les aie pas déjà partagées avec quelqu’un : je crois que je suis tellement pudique que je m’ auto-censure. À moins que je n’aie peur que quelqu’un ne tombe inopportunément sur ces cahiers de mon vivant…

 

Quoi qu’il en soit j’ai toujours eu un rapport particulier à l’écriture et notamment au courrier : adolescente j’ai eu des correspondants, d’abord par le biais de l’école dans le cadre d’échanges et de jumelages, puis grâce aux magazines auxquels j’étais abonnée et dans lesquels il y avait souvent une rubrique consacrée à ceux qui cherchaient des correspondants : évidemment c’était au siècle dernier avant Internet. J’ai même correspondu durant plusieurs mois avec un jeune détenu en Angleterre. Puis à l’âge adulte ces courriers-là ont disparu. Plus de correspondants, plus d’amis suffisamment proches avec lesquels j’avais envie de me confier et dont je savais qu’ils seraient une oreille attentive: mon meilleur ami est décédé alors que nous commencions notre vie étudiante, il était le seul avec qui j’échangeais ces écrits, je me rappelle lui avoir confié des choses que je n’ai même jamais évoquées dans mon journal. Puis Internet est arrivé, avec la possibilité grâce aux blogs de correspondre un peu avec des inconnus, de faire connaissance par commentaires interposés, et de partager des écrits plus ou moins personnels.

 

Mais rien de comparable avec le plaisir d’écrire une lettre, de cacheter une enveloppe et de la mettre dans une boîte aux lettres. Rien de comparable avec le plaisir quasi sensuel de recevoir une lettre dont on reconnaît l’écriture, de la décacheter avec impatience voire fébrilité pour découvrir les mots qu’on aura souvent minutieusement choisis pour vous.

 

Ce bonheur je l’ai retrouvé il y a quelque temps, et jamais je n’aurais cru que cela puisse me faire retrouver de telles sensations… il y a quelques mois, ayant retrouvé mon adolescence, j’ai eu l’idée de renouveler quelque chose que j’avais déjà fait plusieurs fois à cette époque-là : écrire à une idole. Inutile de vous dire de qui il s’agit évidemment, et c’est d’ailleurs assez secondaire. Lorsque j’étais plus jeune (vraiment beaucoup plus !) je dévorais les magazines sur les chanteurs et il y avait toujours les adresses des maisons de disque ou des agents pour qu’on puisse leur écrire et leur dire combien on les adorait. En retour on avait souvent une photo dédicacée, assez impersonnelle et rédigée sans doute à la chaîne. Mais ça faisait toujours plaisir. Je l’ai fait seulement pour des gens qui comptaient vraiment :  Daran, puis un peu plus tard John Mellencamp mais là la lettre m’est revenue après avoir fait un aller-retour outre Atlantique. Tant pis.

 

Et donc il y a quelques mois j’ai décidé de braver le ridicule, car il tue moins que le Covid, et j’ai pris ma plus belle plume. En fait non j’ai ouvert mon traitement de texte et j’ai commencé un brouillon. Un premier jet que j’ai modifié, trituré, recommencé je ne sais combien de fois. Je ne savais pas trop ce qui serait le plus fort : la peur du ridicule ou bien le désir très contrarié de ne pas pouvoir leur exprimer tout ce que j’avais envie de leur dire. Mais je crois que lorsque l’on aime les gens il faut le leur dire, et s’agissant des artistes comme ils vivent d’une certaine manière dans le regard des autres j’imagine combien il doit être réconfortant de se savoir aimé pour continuer à faire ce que l’on fait. Et comme dire je ne sais pas trop, j'ai préféré écrire.

 

Alors j’ai écrit, écrit et écrit encore. Durant plusieurs mois (j’ai commencé pendant le confinement) j’ai remis mon ouvrage sur le métier, j’ai voulu que ce soit parfait, que mes paroles décrivent précisément et sincèrement ce que je ressentais, choisissant chaque mot, déplaçant les virgules et bouleversant les paragraphes pour que mes propos reflètent aussi parfaitement que possible mes sentiments. Au bout de près d’un mois sans y retoucher je me suis dit que c’était peut-être enfin le bon moment pour l’envoyer, c’était il y a un peu plus d’un mois.

 

J’aurais pu l’envoyer par mail, à l’adresse de leur société de production ou par message privé sur Facebook mais j’aurais dû drôlement synthétiser : pas question. Alors j’ai décidé de faire à l’ancienne, avec du papier et une enveloppe. Et j’ai même poussé le vice jusqu’à écrire à la main.

 

Parce que qu’est-ce qu’il peut y avoir de mieux pour exprimer des sentiments si personnels ? La main c’est le prolongement de l’esprit, comme pour les artistes ou les artisans, les mots viennent naturellement comme les mains du sculpteur ou de l’ébéniste travaillent la matière.

 

J’ai pris un plaisir immense après celui d’avoir choisi mes mots, de les coucher sur le papier avec un stylo, plier tout ça dans une enveloppe et mettre un point final avec une adresse manuscrite et un joli timbre (tant qu’à faire). Et à ce plaisir-là s’est ajouté l’immense bonheur de recevoir une réponse, que je n’attendais pas vraiment (mais espérais secrètement sans doute quelle que soit sa forme). Oui car ils ont répondu. Enfin il a répondu. Et de la plus belle des manières. Il aurait pu me renvoyer un simple remerciement poli en message privé sur le réseau social mais non car de la même manière que cela me semblait froid et impersonnel de lui écrire de la sorte, je pense qu’il a considéré que cela méritait bien un retour semblable. Parce que c’est un vrai gentil et qu’il aime son public il a pris un peu de son temps pour m’adresser quelques mots. Il n’était pas obligé, il aurait pu faire plus rapide mais plus impersonnel et plus froid. J’ai donc reçu un mot très gentil accompagnant un dessin d’un de ses gros bonhommes souriants qu’il affectionne et qui sont pleins de tendresse, accompagné de mots très gentils me remerciant pour ma « chouette VRAIE lettre », précisant que « c’est quand même mieux une vraie lettre », prêchant une convaincue…

 

Me voilà donc détentrice comblée d’un croquis original et signé du peintre Guillaume Ledoux pour la modique somme de 1,16 €, soit le prix du timbre lors de mon envoi (en prioritaire quand même), mais qui pour moi n’a vraiment, vraiment pas de prix.

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commentaires

A
Belle histoire, même si je n'avais pas commenté, pardon !
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L
Les commentaires sont toujours les bienvenus mais jamais obligatoires heureusement!
S
Mince, j'ai validé sans faire exprès...<br /> Parmi tout ce que votre article m'inspire de réflexions, souvenirs, questions, réponses sur l'écriture, la correspondance, les blogs...je choisis de vous envoyer sur Facebook écouter-voir la lecture de Pierre Richard d'une lettre d'un fan, vous allez trouver, vous devez être plus dégourdie que moi...
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L
Hi hi hi je viens de regarder à l'instant c'est excellent! C'est tellement gros que je ne sais quoi penser: est-ce une vraie lettre ou bien (c'est tellement naïf) une bonne blague de Pierre Richard lui-même, je suis sûre qu'il en est bien capable la bougre! Tiens du coup je me dis que j'aurais peut-être dû inviter moi aussi le chanteur des Blankass pour l'apéro un de ces quatre dans ma lettre! Ha ha ha!
S
Parmi tout ce que votre article m'inspire de réflexions, souvenirs,
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S
Oh non! J'espère que c'est vrai !<br /> Il faudrait écrire à P.R pour lui demander...
L
Bravo, tu as bien fait. Comme toi, quand j'étais ado, j'avais des correspondants nombreux et même à l'autre bout du monde (j'avais de la famille en Amérique), une copine en Asie... Bref, je recevais un courrier abondant. Avec le temps, et comme tu l'écris, avec l'internet,le courrier, hors factures, ça n'existe plus. Même pas de carte postale. Décevant. Aujourd'hui je me contente de messages par ordinateur (ma famille est nombreuse) : ça part tout seul et tout le monde les reçoit en même temps. Pratique. <br /> J'ai encore des amis d'enfance avec lesquels je reste en contact. Ils me sont précieux. Et parce qu'on se téléphone, je n'écris plus. Comme toi, le blog (qui devait être littéraire) a été une opportunité suggérée par un collègue. Le plaisir des mots, c'est un moteur puissant, même si je regrette aujourd'hui d'avoir plongé tête baissée dans la critique du politique. L'époque s'y prêtait sans doute. Il n'empêche que je savoure ces moments où je lâche mes pensées quand bien même elles soient seulement des critiques. Il m'arrive encore, mais pas souvent, d'écrire des nouvelles, souvent courtes et, selon les dires de ceux qui les lisent, pas trop mal torchées. Et dire que j'ai commencé par écrire de longues lettres... Je ne me reconnais plus guère si je compare à mon ancienne vie, celle d'avant le blog... Mes seuls courriers, ce sont les règlements des factures... Plutôt mince, non ? Sinon, il y a le téléphone, un outil fort pratique qui permet de se réjouir à entendre une voix d'ailleurs, de ces voix qui ont bercé ma jeunesse et qui traversent le temps. Tu m'apprends que tu as été toujours plus à l'aise à l'écrit qu'à l'oral. Idem pour moi. Je n'ai jamais raté un examen écrit. En revanche, je ne brillais pas à l'oral. Trop timide. Ou trop de complexes... <br /> <br /> J'apprécie tes articles : tu fais partie de ces correspondants que je lis avec beaucoup de plaisir et je regrette que tu écrives aussi peu. Tu es faite pour les mots, les phrases qui savent exprimer ta pensée avec clarté. Comme cet échange avec ce peintre auquel tu as pensé écrire une vraie lettre. Oui, chapeau pour cet échange : il t'a fait un beau cadeau, l'une de ses oeuvres, c'est plus que sympathique.
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L
Oui c'est vraiment un très beau cadeau que j'ai reçu. Le seul problème c'est que je l'apprécie encore plus du coup et je ne pensais pas que c'était possible! <br /> Plus sérieusement je constate une fois de plus que nous avons pas mal de points communs toi et moi, et ça me fait plaisir de pouvoir communiquer avec toi même si le plaisir du clavier n'est pas celui du papier. C'est vrai que les lettres se font rares, ont même complètement disparu de nos boîtes où l'on ne trouve plus que des prospectus et des factures (quand elles ne sont pas elles aussi en ligne!)<br /> Et pour ce qui est du blog je ne suis pas toujours très inspirée et j'ai du mal à faire dans la demi-mesure: je peux rédiger un petit billet d'une phrase aussi bien qu'un énorme pavé comme celui-là, mais par forcément quelque chose qui serait entre les deux... Si je fais trop long j'ai peur de lasser...!
S
Quelque chose me dit que tu vas bientôt quitter le Ségala pour le Berry...<br /> Le plaisir d'écrire, je l'ai découvert avec le clavier, qui m'a libéré physiquement des contraintes de l'écriture: pattes de mouches, ratures, crampes, etc. C'était il y a maintenant bientôt trente ans, et cet instrument m'a permis d'oublier le cauchemar de ces séances d'écriture à la plume que je subissais (avec les vexations qui vont avec...) à l'école primaire.
Répondre
L
Quitter le Ségala pour le Berry, ah ma foi ce serait bien tentant je l'avoue... Mais j'ai peur que ce soit un peu trop "plat" pour moi: j'aime le relief et la diversité des paysages des contreforts du Massif Central où est accroché mon petit pays... Je conçois tout à fait que le clavier ait été une libération pour toi si tu n'aimais pas écrire "physiquement". Chez moi c'est l'inverse, j'aime le contact du papier, la plume qui glisse, tout ça quoi... Et j'ai remarqué que si j'écris sur un même sujet mon texte sera bien différent selon que je l'écris à la main ou au clavier: je pense que les gestes effectués ne doivent pas stimuler les même régions du cerveaux et que donc la pensée doit s'en trouver modifier. Peut-être. Mais est-ce important...?
L
Je ne sais pas écrire, mais je regrette les lettres...le plaisir d'ouvrir l'enveloppe.
Répondre
L
Pour le plaisir d'ouvrir les enveloppes console-toi, il te reste encore les factures!

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  • Ecrivain public, profondément rurale je revendique mon amour des bonheurs simples ainsi que mon droit à pousser des coups de gueule et des coups de coeur.
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