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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 20:48

 

 Lorsque j'étais adolescente l'idée me vint un jour de tenir un journal intime, je crois que ce fut après la lecture du livre  Les Cornichons au chocolat , d'une certaine Stéphanie dont on apprendra bien plus tard qu'il s'agissait en fait de Philippe Labro. Comme n'importe quelle jeune fille j'y racontais mes joies et bien sûr le plus souvent mes peines, je m'y emportais contre tous ces adultes, surtout mes parents bien sûr, qui ne me comprenaient pas, pauvre petit Caliméro que j'étais. Je consignais dans de simples cahiers d'écoliers tous mes gros tracas et mes petits soucis.

Les années passèrent, mes préoccupations changèrent mais je restais accro à mes cahiers que je continuais de noircir avec de plus en plus d'application et de plus en plus de « style »: je veux dire par là qu'il ne s'agissait plus comme au début d'écrire ce que je n'osais pas toujours dire mais que je me plaisais à rendre la relecture de mes écrits la plus agréable possible. Je trouvais dans la rédaction de ce journal de quoi satisfaire le plaisir de l'écriture que je venais de découvrir et celui de la lecture inextricablement liés dans une certaine mesure puisque la relecture nécessaire pour l'épuration des fautes et diverses maladresses m'incitait à bien écrire, c'est là ce que j'entends lorsque je parle de « style » appliqué à ma modeste prose.

J'écrivais très souvent, le plus souvent possible en fait, notamment lorsque j'étais à l'internat, endroit propice s'il en est à la lecture et à l'introspection : je nourrissais mes cahiers grâce aux livres que je lisais, aux musiques que j'écoutais et dont je me plaisais à faire la critique, et j'y commentais en direct les matches de foot que je suivais discrètement au fond de mon lit en même temps à la radio (hé oui c'était la belle époque des Platini, Giresse, Tigana et compagnie et j'étais fan de Monaco et Nantes). Il ne s'agissait plus alors de m'insurger contre les méchants parents (l'internat fut d'ailleurs sur ce point salutaire pour eux comme pour moi) mais plutôt d'y dresser page après page le portrait de l'adulte que j'étais en train de devenir.

Lycée, université, entrée dans la vie active, les années passaient et le désir d'écrire persistait, je continuais donc à accumuler mes cahiers, selon un rythme variable selon mes disponibilités mais ne m'éloignant jamais de ce qui constituait une somme d'instantanés, différents reflets de mon être en des instants T.

Mais il fallut bien se rendre à l'évidence : au fil des dernières années les pages s'espaçaient de plus en plus, le rythme était de moins en moins soutenu, pour ne pas dire totalement relâché après la naissance de mon premier enfant. On dira que ce sont les vicissitudes de la vie qui font que les préoccupations sont ailleurs et que nos priorités sont différentes. Certes mon journal intime n'était pas une priorité au sens où on peut l'entendre généralement mais il faisait tellement partie de moi, il m'accompagnait depuis si longtemps que je ne pouvais me résoudre à l'abandonner purement et simplement, je ne voulais pas devoir y écrire un jour le mot « fin » : lâche que j'étais, j'avais laissé le quotidien s'en charger pour moi.

Et puis je ne sais pourquoi il y a quelques semaines j'ai été prise à nouveau par l'envie de revenir gratter ces pages qui m'attendaient sagement depuis...pfff, depuis des années ; car c'est peu dire que de l'eau était passée sous les ponts : je n'avais qu'à peine évoqué la première année de mon aîné lorsque je m'étais mis sur « pause » et entre temps deux autres enfants étaient venus grossir les rangs de la famille et par là même augmenter la charge de travail et de préoccupations qui pouvaient m'éloigner de mon journal. Prétextes que tout cela car il n'est quand même pas surhumain de pouvoir dégager quelques minutes pour écrire, il suffit pour cela par exemple de sacrifier une soirée télé...et connaissant les programmes, le sacrifice n'en est pas un, au contraire.

J'avais du temps à rattraper et des tas de choses à raconter, à tel point que j'avais fait une liste. Mais j'ai vite perçu l'inutilité de faire un récit plus ou moins exhaustif de tout ce qui s'était passé durant cette longue interruption : les choses viendraient naturellement au fur et à mesure de la relation de mon présent, et si tout n'était pas dit c'est peut-être que tout n'en valait pas la peine.

Je me suis interrogée sur les raisons qui m'ont poussée à replonger dans les cahiers et à reprendre cette vieille habitude. L'écriture de mon blog m'a laissé croire un moment qu'il y avait là un moyen de satisfaire mon envie d'écrire, mais j'en ai perçu les limites lorsque je me suis sentie touchée, contrariée par des commentaires de lecteurs passagers ne sachant pas toujours lire entre les lignes et prenant tout au premier degré, je me suis vue dans l'obligation de faire de l'auto-censure, ce que je n'avais pas envisagé jusqu'alors et qui me déplaît fortement.

Et puis je dois avouer aussi qu'à plusieurs reprise j'ai eu honte de mon écriture car tout simplement je ne la pratiquais plus, alors je me suis soudain mise à regretter le contact de la plume sur le papier, ce glissement délicat tellement plus harmonieux que le bruit du clavier, surtout lorsqu'on se met à taper dessus frénétiquement après la disparition inopinée de tout un paragraphe. Rien ne vaut la technique manuelle, et tant pis s'il y a parfois quelques ratures, cela donne un cachet plus artisanal et puis cela entraîne le cerveau à davantage de réflexion : quand on sait que l'on ne peut pas effacer en appuyant sur une simple touche sans doute fait-on plus attention à ce que l'on écrit, on tourne sept fois sa plume entre ses doigts avant de coucher les mots sur le papier.

Je réapprends donc à écrire, et je me demande comment j'ai plu me passer si longtemps de ce plaisir. Vous me direz que contrairement à mon blog je ne suis pas lue. Hé bien tant mieux, car ainsi aucune censure. Je ne crois pas que le plaisir d'écrire réside nécessairement dans la possibilité d'être lu. C'est du reste ce que disent les écrivains qui n'ont aucun succès...

 

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commentaires

S
<br /> <br /> jolie histoire d'un journal. et donc nous n'aurions droit à aucun extrait ? dommage.<br /> <br /> <br /> cela dit, je suis d'accord, il nous faut nous censurer sur les blogs, en tout cas tenir compte de nos visiteurs d'une manière ou d'une autre. Même si en réalité on ne le veut pas. Mais puisqu'un<br /> blog est fait pour être visité il nous faut bien nous plier à cette exigence...<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Eécrire n'est pas tout, encore faut il avoir des chose à écrire et à partager avec soi-même ou avec les autres. Le journal dit intime s'est transformé en blog public, non pas que l'intimité<br /> n'existe plus mais ne se vit plus de la même façon que dans ton passé.<br /> <br /> <br /> Réjouis toi ce n'est pas mortel c'est un bon signe d'évolution.<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Après avoir lu ton texte, je me suis arrêté un moment, fermant les yeux et me demandant pourquoi, moi ausi, j'aimais écrire. Les ciconstances de ma vie professionnelle, les engagements que j'ai<br /> pris dans deux ou trois revues ou journaux locaux, les secrétariats d'associations que j'ai assurés, tout cela m'a mis le stylo à la main, mais, à la réflexion, je n'ai que rarement eu à faire du<br /> personnel. On me disait que c'était plutôt bien écrit et facile à lire. Cela suffisait à mon bonheur. On se contente de peu. Je me suis parfois dit que j'aurais pu "écrire". Mais, ce n'était<br /> certainement que vanité. Si j'avais eu quelque chose à dire, je l'aurais forcément dit. Je crois, finalement, que je ne suis qu'une statue vide...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Curieux! J'ai vécu la même expérience que toi, mais beaucoup plus tard, il y a en fait moins de 10 ans. Cela devait répondre à un besoin irrépressible, a duré un an, et correspondit à une période<br /> très particulière de ma vie. Et puis, ça s'est arrêté, et j'ai même effacé ces quelques 200 pages. Deus amies doivent toujours les avoir, mais elles font partie d'un passé que je ne tiens plus à<br /> revivre, même si c'était là une étape nécessaire de ma vie.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Oui, il faut aussi dire que, contrairement à toi, je me suis servi de mon ordinateur portable, qui ne me quittait pas à cette époque où je me déplaçais beaucoup. Le clavier a été pour moi une<br /> vraie révélation, moi, l'affreux gamin qui souvent ne parvenait même pas à relire ses propres "pattes de mouches". Il m'a ouvert les horizons infinis de l'écriture, qui ce soit au sein de la vie<br /> associative, pour communiquer, coucher des idées plus ou moins folles, bref, m'exprimer.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> L'écriture "manuelle" a toujours été pour moi un supplice et le clavier a été la libération! Au grand dam de ma mère qui a toujours, en employant les mêmes mots que toi, essayé de me vanter les<br /> plaisirs du porte-plume!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> C'est vrai: certains commentaires incitent à l'auto-censure. Mais il faut résister. Leurs auteurs essaient d'exercer un pouvoir sur notre liberté d'expression et de pensée qu'ils veulent<br /> restreindre dans les limites qu'ils nous imposent. Apôtres du politiquement correct, défenseurs de chapelles et propagandistes de la pensée "comme il faut" ne doivent pas nous priver de notre<br /> droit d'être nous-mêmes. Résistons!<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> On dit que le peintre peint pour lui. Il en irait de sa peinture comme d'une thérapie. Alors pourquoi pas pour l'écriture, pourquoi  l'écriture ne servirait pas de trop plein? Publier, c'est<br /> un autre problème dans lequel , à mon avis,  les commentaires possibles sont sans importance. Sinon, Picasso aurait cessé de peindre dès sa première période et les impressionnistes se<br /> seraient suicidés...  Et puis ça serait con d'être connu(e) à titre posthume comme Van Gogh !<br /> <br /> <br /> <br />
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  • Ecrivain public, profondément rurale je revendique mon amour des bonheurs simples ainsi que mon droit à pousser des coups de gueule et des coups de coeur.
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