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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 06:00

 

Au hasard de mes lectures je suis tombée sur l’article d’une libraire déplorant la simplification des œuvres pour la jeunesse. Lisez vous aussi, c’est édifiant: « On prend les enfants pour des imbéciles »

 

Enfant je me rappelle bien avoir lu des livres de la Bibliothèque Verte, moins de la Bibliothèque Rose car j’étais un peu garçon manqué et je préférais l’aventure aux histoires de filles. Puis j’ai découvert une nouvelle littérature de jeunesse lorsque j’ai exercé en tant que professeur. J’ai ainsi découvert des ouvrages écrits pour les jeunes adolescents, les collégiens, avec comme toile de fond l’aventure, les relations sentimentales ou des problématiques actuelles comme les familles recomposées par exemple. Tout ça c’est bien joli, cela « parle » aux enfants et ils sont censés s’identifier plus facilement aux personnages, leur lecture en serait ainsi facilitée. OK tout ça c’est toujours bien joli mais au final la très grande majorité de cette littérature de jeunesse possède un gros défaut : la qualité de la langue. Certes tout cela est la plupart du temps bien écrit mais pour en avoir lu un certain nombre, j’ai toujours trouvé que tout cela restait finalement très pauvre du point de vue linguistique : l’usage des temps est trop souvent limité au présent et à l’imparfait, le vocabulaire est simplifié au possible, tout cela est plat et semble être écrit « au kilomètre ». Bref la littérature de jeunesse d’aujourd’hui est bien trop souvent ce que la collection « Harlequin » est au roman classique.

Pourquoi lorsque l’on s’adresse aux enfants on devrait tout leur simplifier ? Des collégiens ne sont-ils pas censés connaître le passé simple ou le subjonctif ? Ne disposent-ils pas d’un vocabulaire suffisamment riche pour lire une grande variété de textes ? Et dans le cas contraire ne sont-ils pas familiarisés avec l’usage d’un dictionnaire ? Hélas mon expérience me pousse à dire que la réponse à ces questions est bien trop souvent négative : l’apprentissage de la conjugaison (et de la grammaire) n’est plus une priorité, l’acquisition du vocabulaire non plus, quant à l’utilisation du dictionnaire s’il en est bien question dès le primaire en théorie, dans les faits c’est loin d’être un réflexe pour les enfants. Et ce n’est pas en leur proposant des textes édulcorés et plats que cela va changer.

 

Je ne suis pas une adepte du « c’était mieux avant » mais lorsque je me rappelle de mes lectures de jeunesse des noms me viennent : Victor Hugo, Jules Verne, la comtesse de Ségur… Une langue parfaite et riche, des mots choisis même si certains étaient parfois un peu désuets, je n’ai pas le souvenir de m’être jamais sentie face à une langue étrangère. Et ce n’est pas non plus parce que les histoires se déroulaient au siècle précédent (voire encore avant) que je ne parvenais pas à m’identifier aux héros. Comme c’est en forgeant qu’on devient forgeron, il est évident que mon amour de la belle langue vient de ces lectures, et de celles qui ont suivi. C’est pour cela que je déplore moi aussi que l’on donne trop souvent à lire cette bouillie sans goût aux enfants. D’ailleurs la comparaison est tout à fait parlante avec la nourriture : éduquer à la variété et au goût les petits est la meilleure façon d’en faire des gastronomes plus tard, en langue c’est la même chose : donnons-leur à lire de bons textes, car de bons lecteurs seront de bons locuteurs et de bons « écrivants », et leur maîtrise d’une langue riche est le meilleur moyen d’en faire des individus sachant exprimer clairement et justement leurs idées. Cela contribuera à forger leur sens critique, et donc les rendra moins susceptibles d’être manipulés par le discours des autres. Non ?

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commentaires

F
<br /> Sur ce sujet, nos opinions concordent à 100 %. Nous pensons exactement la même chose. La lecture des grands classiques de la littérature de jeunesse est indispensable, et il est à déplorer qu'il<br /> n'y ait plus de livres de qualité écrits plus spécialement pour les jeunes tout en étant agréables à ceux qui ne le sont plus.<br /> Que de temps j'ai passé, dans mes primes années, alors qu'il n'y avait pas de téléviseur à la maison, avec Dumas, Verne, Defoë, Stevenson, J-O Curwwood, Féval et tant d'autres : mon père coupait<br /> le courant dans ma chambre pour m'obliger à dormir, mais je poursuivais la lecture sous les draps avec une lampe de poche...<br />
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M
<br /> Mais il s'agit précisément de les rendre manipulables et d'anihiler leur esprit critique. Les éditeurs prennent bien garde à respecter ces consignes !<br />
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L
<br /> <br /> Et voilà aussi pourquoi on ne comence la philo qu'en terminale (moi j'ai commencé une initiation en seconde, mais "ça c'était avant") et que probabelement cette discipline va disparaitre.<br /> Apprendre à penser par soi-même? Et pourquoi faire quand il suffit d'allumer TF1 pour avoir de la pensée pas chère toute pré-digérée?<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> le club des 5 puis la clan des 7, puis j'ai plongé très vite dans le dédale du livre de poche... dans lequel j'ai lu<br /> presque tout Alexandre Dumas et d'autres auteurs qui me parlaient suivant mes diverses époques. Un grand bonheur !<br />
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A
<br /> J'ai enseigné pendant plusieurs années à l'Université "le Grand Meaulne". Souvent, on a la tentation de faire lire ce livre à de jeunes lecteurs. Pourtant, j'affirme qu'il ne peut être compris<br /> que par des lecteurs ayaant traversé l'adolescence, c'est son sujet !<br />
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P
<br /> Vous avez raison. Mais cet appauvrissement du langage touche tous les médias. Peut-être parce que la pensée s'appauvrit elle aussi, que le sens des nuances disparaît, que les références<br /> culturelles manquent. Il suffit d'écouter la radio d'Etat le matin pour s'en rendre compte.<br />
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P
<br /> Je n'ai jamais été prof' mais il est vrai que, par exemple, lire aujourd'hui "De goupil à Margot" de Louis Pergaud semble bien problématique pour les jeunes concernés. Et pourtant...<br />
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J
<br /> Je découvre votre blog suite à votre commentaire. Je vais l'ajouter à ma blogroll.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Cela dit, j'approuve totalement votre article de ce jour. Il est démagogique de proposer aux jeunes de la littérature "light". La jeunesse n'est qu'un passage. Lire les grans textes permet<br /> d'enrichir son vocabulaire, de sortir du quotidien, de devenir conscient qu'il y a eu un "avant", que nos Rastignac d'aujourd'hui n'ont rien inventé, etc.<br /> <br /> <br /> Seulement je crains que nous ne menions là un combat d'arrière-garde. Mon expérience de 9 ans de professeur-documentaliste (dans les deux meilleurs collèges d'Eure-et-Loir, du moins pour ce qui<br /> concernait les résultats au brevet des collèges) m'a montré que les classiques n'étaient JAMAIS empruntés et qu'au fil des ans, les BD (contre lesquelles je n'ai rien) constituaient une part de<br /> plus en plus importante des emprunts...<br />
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L
<br /> <br /> Encore la faute des profs: ils les obligent à acheter les classiques et leur interdident les BD! L'âge du collège est hélas bien ingrat, c'est plus au lycée que se dessinent les goûts<br /> littéraires, même s'il est vrai qu'une rencontre avec un professeur qui saura créer le déclic est souvent déterminante. Et comme les profs de qualité seront de moins en moins nombreux hélas...<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> J'ai, comme toi, commencé avec la Bibliothèque Verte, parallèlement à "Tout l'Univers" et les albums de Tintin (que je pratique toujours...). Mes lectures se sont ensuite diversifiées, puisque<br /> Jules Verne et Emile Zola voisinèrent avec Bob Morane. Au lycée, je prenais du plaisir avec Molière, Oscar Wilde (enfin, on s'entend...) et Albert Camus, moins avec Racine ou Corneille. Après, ce<br /> fut carrément l'ennui avec les Romantiques et Jean Giraudoux.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Toujours est-il que je n'ai connu que les "classiques", à une époque où la littérature pour ados, spécialisée dans les familles recomposées qui sont le décor de toutes nos séries télévisées,<br /> n'existait pas encore. Pas de modèle imposé en ces temps bénis.<br />
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L
<br /> <br /> Ne montrons aux enfants que ce qui leur ressemble, c'est tellement plus facile. Évidemment question ouverture d'esprit... mais est-ce que c'est encore d'actualité?...<br /> <br /> <br /> <br />

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  • Ecrivain public, profondément rurale je revendique mon amour des bonheurs simples ainsi que mon droit à pousser des coups de gueule et des coups de coeur.
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