Parfois les mots nous manquent. Même pour les plus prolixes d’entre nous. Personnellement il m’est assez facile d’écrire sans fin sur un sujet sans intérêt, de publier un billet d’une demi-page sur une simple phrase relevée ça ou là au détour de l’information.
Et paradoxalement je suis sans mots depuis mercredi. L’attentat perpétré à Paris me laisse sans voix. Aux premières informations, partielles, prises en route et écoutées d’une oreille distraite, je n’ai tout d’abord pas eu conscience de la gravité des choses : j’entends qu’il y a des victimes d’une fusillade, c’est tout. Puis au fil des minutes j’ai compris l’ampleur des événements.
Je n’ai jamais lu « Charlie Hebdo », je lui préférais « Le Canard enchaîné », par paresse, car je n’ai jamais eu ni l’occasion ni la curiosité de le lire, simplement. Néanmoins j’ai toujours été très attachée au fait que de tels journaux doivent libres d’exister. Et je ne peux pas imaginer qu’un jour ce ne soit plus le cas.
Charb, Tignous, Wolinsky sont pour moi des noms bien connus, mais c’était surtout Cabu qui avait ma préférence, j’aimais notamment son personnage du « beauf » devenu un archétype et que Renaud avait si bien mis en mots et en musique. Le Renaud de l’époque « Gérard Lambert », Cabu que je regardais sur « Récré A2 », c’est une époque que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, et c’était toute mon adolescence.
Cabu, Charb, Tignous ou Wolinsky, plus que des dessinateurs ou des artistes ce sont des éclaireurs de consciences qui ont disparu, et un pan de culture, n’en déplaise aux grincheux qui ne voient la culture que dans les musées.
À l’annonce de ces disparitions je n’ai pas d’abord pensé à leurs proches, comme c’est généralement le cas, mais d’une certaine façon égoïstement j’ai pensé à ce en quoi nous avions nous tous été blessés : la liberté d’expression, la liberté de ton, la causticité, l’indispensable qualité de pouvoir prendre du recul, d’informer et de dénoncer les travers de notre société, etc.
À l’annonce de ces disparitions j’ai d’abord pensé à Voltaire. Lui le grand défenseur de la liberté d’expression et souvent victime de ses opposants obtus et liberticides. Voltaire qui a si bien su, avec d’autres, nous faire sortir de l’obscurantisme et faire entrer notre civilisation dans la Lumière. Voltaire qui a su impulser la démocratie et la laïcité.
Voltaire qui doit se retourner dans sa tombe.